La peinture trouve les mots avec les jeunes migrants du Foyer Transition de Toulouse


Ce billet est également publié sur mon blog Mediapart

Le Foyer Transition de Toulouse accueille des adolescents et jeunes majeurs migrants. Les équipes éducatives sont réparties sur deux lieux d'accueils répondant à des besoins différents selon l'âge et le degré d'autonomie des résidents : Les Studios et l'Internat.
Les studios sont destinés aux jeunes capables de se débrouiller seuls dans la gestion de leur quotidien et de leur emploi du temps, tandis que l'internat est un lieu de vie en commun, on prend les repas ensemble, chacun cuisine à tour de rôle pour tout le monde... Dans les deux cas les jeunes sont aidés par les équipes dans leurs démarches administratives, leurs recherches d'emplois ou de formations, et plus tard de logements. Les résidents de l'internat sont amenés à emménager aux studios, comme une étape vers l'autonomie, puis à prendre leur envol. 
Invitée en résidence d'artiste par l'association Erasme, j'ai travaillé trois mois avec ces jeunes en transit, entre l'internat et les studios. Les dessins qui suivent sont une mise en images de leurs récits, à travers la barrière de la langue, la timidité, le refus de revenir sur des épisodes douloureux, la question de savoir si l'on est légitime pour raconter sa propre histoire qui implique tant de gens, de la famille aux personnes croisées en chemin...
Ces jeunes sont tous scolarisés ou en apprentissage et suivent des cours de français. Ils travaillent chaque jours à effectuer les innombrables démarches administratives que nécessite un projet d'intégration
Durant la résidence, ma tâche a consisté essentiellement à réveiller une expression verrouillée pour différentes raisons. 
De nos échanges est née l'idée d'une histoire sur le thème du départ. Je me suis chargée des dessins et j'ai confié aux jeunes le soin d'écrire le texte dans leur langue. Ilda et Mohamed ont joué le jeu.
Ilda est arrivée il y a quelques mois d'Ouganda. Au début du projet elle était en France depuis très peu de temps, elle se détournait quand on lui adressait la parole et nous fuyait comme la peste. Des semaines plus tard, venant travailler au foyer comme chaque semaine je croisais Ilda par hasard, détendue et gracieuse. Ses cours de français portaient leurs fruits et nous pouvions échanger quelques mots. Elle est entrée dans l'atelier et a regardé les dessins épinglés au mur, devant son intérêt je lui ai dit : "Voilà, les dessins sont là mais je n'ai pas de texte." Ilda m'a répondu : "Je peux le faire, moi, le texte. Mais il me faut Google Translate." Je lui ai passé mon téléphone et tandis qu'elle écrivait en portugais, je découvrais son histoire dans la lucarne anonyme de Google.
Le foyer transition accueille des jeunes de tous pays. Le travail au sein de la résidence d'artiste s'est construit en deux temps. J'ai d'abord rencontré les jeunes, ceux qui souhaitaient participer. Sans trop savoir où nous allions, nous avons commencé à peindre. Ces séances de peinture était un moment d'échange, on se racontait les histoires qui nous passaient par la tête. Je me souviens avoir parler de ma propre expérience d'une correspondance accidentée où des lettres d'amour qui m'étaient adressées n'étaient jamais arrivées, et que cela avait sans doute changé le cours des choses, mais de quelle façon ? Cette histoire a interpellé les jeunes loin de chez eux et a été le départ d'échanges plus chaleureux, comme si la glace s'était brisée.
A ce moment-là, ce sont principalement des jeunes venus du continent africain qui ont participé. C'est pourquoi, la seconde partie de la résidence, consacrée à mettre en image cette rencontre, se passe en Afrique.
L'histoire qui suit est écrite par Ilda. Elle est suivie de photos souvenirs et du texte de Mohamed...

















Yakouba peint la jungle où il a transité... La technique de la colle et du gravier est une réussite...

    Le petit Mohamed regarde sa mère piler le mil.


 Mamadou se revoit sur le chemin de l'école... Le tableau prend forme et avec lui le récit...

Ensemble, à la lumière du printemps toulousain, on refait le monde...

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C’était un jour,
Moi et mon ami étions assis au bord du marigot.
Il m’a posé une question,
Il m’a demandé ce que je voulais.
Je lui ai dit : « Moi, j’aimerais partir en France,
Pour continuer mes études et jouer au football,
Travailler pour gagner de l’argent.
Et pouvoir amener mon père et ma mère
à la Mecque.
Mais Dieu n’a pas voulu,
Car j’ai perdu mon père.
Je prie pour tout le monde,
Dieu fasse que tous les parents voient leur fils réussir,
Devant eux,
Et je prie encore,
Qu’il donne une longue vie à ma mère,
Pour que je puisse faire quelque chose pour elle.
Traduit du soussou par Mohamed, Guinée Conakry
                                                    Mohamed




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